mardi 4 octobre 2011

Crime et châtiment

(Fedor Dostoïevski – publié en 1866)


Attendez, ne vous enfuyez pas trop vite! Je sais que la plupart des gens pensent que Crime et châtiment est un livre long et abstrus mais lisez au moins mon avis à ce sujet! Car oui, quand quelqu'un me dit « ne lis pas ce livre, il est trop compliqué », je n'ai qu'une envie: le lire. Je suis l'incarnation de l'esprit de contradiction en personne. Mais c'est grâce à cela que je peux me permettre de vous en parler.
      Au premier abord, j'avoue que j'ai moi-même failli fuir devant le livre: 672 pages, c'est un chose, et j'ai déjà vu mieux. Néanmoins, j'avoue que la présence du « Tableau des personnages » et de la carte de Saint-Pétersbourg m'ont fait un peu peur: déjà, j'ignore si vous avez déjà vu un nom russe, mais quand vous ne pratiquez pas la langue et que vous ne l'aviez presque jamais côtoyée de près comme de loin, cela paraît long, incompréhensible et impossible à retenir. Alors quand vous en avez une petite trentaine sous les yeux, c'est assez effrayant... Ensuite, c'était comme si leur présence me disait « Oh, tu veux tenter de lire ce livre ? Voici les outils nécessaires à sa compréhension. Bonne chance! » avec une voix sarcastique. J'ai cependant surmonté mon appréhension et m'y suis lancée.


L'intrigue a lieu en 1865 à Saint-Pétersbourg, capitale de l'Empire Russe. Pour vous mettre dans le contexte, à cette époque, le tsar Alexandre II était au pouvoir et il venait à peine de mettre en place quelques reformes plus « justes » au niveau de l'enseignement, du servage - aboli pour l'occasion -, et de quelques autres domaines. Mais je m'égare. Dans ce roman, nous suivons un ex-étudiant, Raskolnikov qui a interrompu ses études faute d'argent. Endetté jusqu'au cou, sentant toute le poids de la pauvreté sur ses épaules, il ne se croit pas moins doté d'un grand avenir. En effet, pour lui, tant que la finalité est louable, le moyen de l'atteindre aura beau être dépourvu de tout scrupule, il sera justifié et profitable; à condition, bien sûr, d'avoir la force morale capable de supporter de commettre cette transgression. Il va sans dire qu'il se considère lui-même comme l'un de ces « surhommes » et que le meurtre qu'il s'apprête à commettre sera pour le plus grand bien... Quoique...
     J'ai d'abord commencé par vous mettre dans le contexte historique car on peut tout de même indiquer que le roman est assez intéressant à ce sujet. Bien sûr, ce n'est pas un livre d'histoire ni un roman historique et les événements cités plus haut voir même le nom du tsar contemporain à l'action du livre ne sont pas cités; mais il faut tout de même admettre qu'on apprend beaucoup de choses sur la société russe et principalement chez les plus pauvres. De plus, l'ambiance générale de l'époque me semble bien conservée, du moins, celle du roman est réaliste (je n'ai pas vécu ni dans les années 1850 ni en Russie après tout, qu'est-ce que j'en sais ?).

Ce n'est cependant pas la vraisemblance d'un livre qui en fait sa qualité, je vous l'accorde. Alors parlons du second aspect du roman. D'un point de vue de l'intrigue pure et dure, l'œuvre se construit en deux temps, déjà annoncés par le titre : d'abord le « crime » que Raskolnikov commettra pour son idéal, puis le « châtiment » que lui infligera sa conscience pendant le reste du roman. J'ai bien dit sa conscience car en effet, Crime et châtiment peut être considéré comme un roman psychologique. On suit un personnage qui devient de plus en plus fou et paranoïaque de par sa culpabilité. Les autres personnages ne sont pas non plus inintéressants et rend le tout cohérent, vivant et une fois encore vraisemblable même si parfois, à vouloir trop critiquer les aspects noirs de sa société, l'auteur a tendance à exagérer certains traits des personnages.
    Autre point assez important au niveau des personnages et qui les rend d'autant plus intéressants: ils évoluent au cours du roman, et parfois même radicalement. Cela peut peut-être vous paraître stupide d'accentuer autant quelque chose de si naturelle et de si fréquente dans les romans d'aujourd'hui (Harry Potter, A la Croisée des Mondes, pour ne citer qu'eux), mais à l'époque où le livre est sorti, c'était une première, la tradition littéraire privilégiant l'unité et la cohérence des personnages.
Et la difficulté de la lecture qui terrifie tant de gens, alors ? Eh bien, croyez-moi ou non, je ne l'ai pas trouvé si compliqué que cela, ce roman. Je dirais même plutôt plaisant. Le style d'écriture est agréable et laisse une place importante aux dialogues, qui ont tendance à être très animés, rendant l'œuvre dynamique. Par exemple, là où un Honoré de Balzac aurait décrit la misère d'un personnage par une description de son apparence, de son lieu d'habitation, par son comportement, Dostoïevski, lui, narre l'histoire de cette misère par un alcoolique! C'est tout de même plus vivant, non ? De plus, sa narration est sans doute excellente, car pas un seul instant, je n'ai pas « senti » la canicule de l'été 1865 et la misère qui accablaient les protagonistes.

Néanmoins, j'ai quelques défauts techniques à souligner. Tout d'abord, même si personnellement, 600-700 pages, cela ne me fait pas peur, certains peuvent s'en trouver décourager, je le conçois. Il faut aussi préciser que la narration a beau très vive, l'histoire n'est pas gaie; nous parlons tout de même de « crime » et de « châtiment ». Il est possible que certaines personnes n'apprécient pas le côté sombre ('obscur' était tentant...) du roman. De plus, les noms russes sont vraiment très durs à mémoriser et il ne faut pas omettre de préciser que dans ce roman, il y a même des surnoms. Prenons le héros, par exemple. Dans la narration, on l'appelle «  Raskolnikov ». Son nom complet est « Rodion Romanovitch ». Sa famille l'appelle « Rodia ». Cela fait quatre noms (impossible) à retenir pour un seul personnage. Il y en a une trentaine... Comment voulez-vous qu'on s'y retrouve !? J'ai vraiment senti l'utilité de ce tableau de personnages, même s'il n'y a pas tous les surnoms des protagonistes... Alors cela devient vraiment agaçant de devoir presque à chaque fois retourner voir ce tableau dès qu'un nouveau personnage (ré)apparaît au bout d'un moment... Mais bon, l'auteur n'y pouvait rien, il est russe, et fier de l'être, alors...


Pour résumer pour ceux qui n'ont pas eu le courage de lire tout ce qu'il y a en haut; malgré le préjugé négatif quasi-général sur ce roman, les personnages sont profonds, humains et intéressants, le contexte est vraisemblable rendant l'histoire d'autant plus probable et réaliste, l'écriture est agréable et dynamique alors malgré les difficultés rencontrées à l'égard des noms russes trop compliqués pour mon petit cerveau, c'est une œuvre que je conseille à tous ceux qui n'ont pas peur d'affronter un roman légèrement long, sombre mais passionnant.

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